L'Odyssée des Gemmes
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Aventure interactive se déroulant au-delà de notre univers, dans un lieu réservant son lot d'épreuves et d'imprévus.
 
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 Écriture libre

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2 participants
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MessageSujet: Écriture libre    Écriture libre  Icon_minitimeJeu 19 Sep - 15:33

Écriture Libre

Le principe ?
Écrire un texte en partant d'un concept, d'une image, d'une musique/chanson, d'une vidéo, bref, en partant d'un support quelconque. Le texte en question peut recouvrir bien des formes, il n'y a absolument aucune contrainte imposée. Vous pouvez proposer un poème alors qu'un autre a écrit une courte nouvelle. La seule limite est celle de votre imagination.
Les sujets seront donc liés au support susmentionné, qui peut être proposé par n'importe et sous n'importe quelle forme encore une fois. Ici encore, il n'y a aucune contrainte. Si une image vous inspire un sujet en particulier qui n'a rien à voir avec ce qu'elle inspire aux autres, vous êtes totalement libre d'écrire sur ledit sujet. Le mot "libre" est au centre même de cet exercice, tout comme écriture (car oui, ça doit rester de l'écriture, évidemment).

Pourquoi ?
Suite à une discussion avec Serrix/Ulrich, on s'est lancé dans un projet de faire un genre de concours, ou plutôt un projet d'écriture collective. Principalement pour nous permettre d'écrire de manière plus libre que dans le contexte du RP ou même d'une fiction. Le principe est d'offrir des sujets divers et variés pour que l'écriture reste fraîche.
En prime, c'est l'occasion tenter de nouvelles choses, que ce soit en terme de sujets abordés ou en support textuel. C'est également un bon moyen d'enrichir son expérience en matière d'écriture et de s'améliorer dans différents types d'exercice.

Comment ça fonctionne ?
Sans qu'il n'y ait de véritable fréquence ou de calendrier à respecter, un support sera proposé par quelqu'un directement sur ce sujet (ou sur le Discord pour en discuter). Suite à cela, tout le monde est libre de participer à l'écriture libre et de proposer son texte.
Dans un soucis de lisibilité on évitera de proposer un nouveau support tant que les participations à la dernière écriture libre ne sont pas terminées.

Pour ce qui est des commentaires, toujours dans ce même soucis de garder le sujet lisible et clair, ça se passera du côté du Discord.
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MessageSujet: Re: Écriture libre    Écriture libre  Icon_minitimeJeu 19 Sep - 15:36



Premier sujet : une image proposée par Serrix/Ulrich.

Écriture libre  Pillul10

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MessageSujet: Re: Écriture libre    Écriture libre  Icon_minitimeJeu 19 Sep - 16:08

« J'te l'dis, tous les champions en prennent maintenant, tous les athlètes. C'est devenu le standard, y a pas un sport où les internationaux en prennent pas. Tu rentres dans la cour des grands, Ray, faut te mettre au niveau... »

Le dénommé Ray lança un regard mêlant étonnement et colère à son vis-à-vis, levant le sourcil gauche et fronçant le droit.

« Dis-toi que c'est de nouvelles prot', que ça fait partie de ton nouveau régime, reprit l'autre tout en posant sa main sur l'épaule de Ray.
-Alvarez.
-Quoi, Alvarez ?
-Il en prenait pas de ta drogue. Et son palmarès en pro parle pour lui.
-Mais, Ray, Alvarez a bientôt quarante balais. Sa carrière est finie, il combattait à l'époque où c'était encore beau de pas utiliser des dopants, où la loi de la nature prévalait encore. Maintenant, c'est fini tout ça, un mec qui fait de l'asthme ou qui a jamais fait de sport de sa vie peut devenir un athlète en quelques mois et courir un putain de marathon. Et puis, Alvarez c'était un combat d'exhibition, ne l'oublies pas. Peu importe tout l'honneur que le type peut avoir, et combien tu peux l'idolâtrer, c'était un combat pour te présenter aux yeux de tous et t'introduire dans le monde des pros.
-Et Bryan ? Sa carrière à lui aussi elle est finie ?, rétorqua Ray avec une pointe d'agacement dans la voix.
-Christopher Bryan c'est un...un mec moyen. Il a rien à voir avec toi, Ray, il est tout juste bon à stagner au milieu du classement, peut-être faire un match cinq étoiles dans sa vie, vaincre un champion par coup de chance. Mais il atteindra jamais les sommets. Et c'est pour ça qu'il prend pas de CTO, il a pas les thunes pour ça, juste de quoi tenir deux mois à tout casser, et ensuite il redescend illico.
-Tu vois, c'est ça le problème, Arthur ! Si tu prends de cette merde, t'es obligé d'en prendre jusqu'au bout, sinon c'est terminé ! C'est une putain de drogue, tu deviens dépendant dès la première dose, parce que si tu t'arrêtes, ton corps lâche et t'es mort. Tu m'entends, mort putain !
-Écoute-moi, Ray, écoute-moi !, rugit Arthur tout en prenant Ray par la nuque, collant son front contre le sien. T'es de la graine des champions. Tes prédispositions naturelles te permettraient à elles seules de monter dans le top vingt en pro. En poussant tes limites, t'arriverais peut-être aux portes du top quinze, mais tu prendrais ta retraite dans quoi, à peine cinq ans ? Et ça s'arrêterait là, t'as aucune chance d'aller plus haut que ça si tu persistes à vouloir garder cet "honneur" et cet "esprit sportif" d'antan. Le sport a évolué, et tu dois en faire de même si tu veux progresser. Dès que tu tomberas contre les montagnes tout en haut, c'en sera fini de toi. T'as absolument aucune chance d'y arriver. Et t'es un battant, un putain de vainqueur. La défaite, c'est pas ton truc à toi. Tu peux pas te contenter d'être moyen, d'être un petit poisson dans un océan. Non, toi t'es un requin, un putain de prédateur ultime, t'es fait pour être le plus gros d'entre eux, Ray. Je sais que terminer juste au-dessus de Bryan et stagner aux portes du haut du classement ça te ferait bien plus de mal que de transgresser ces règles à la con que tu t'imposes. T'es un futur champion, tu peux devenir l'un des plus grands, alors commence à agir comme tel. »

Lui, c'est Arthur McDowell. Mon entraîneur. Celui qui m'a prit sous son aile alors que j'avais même pas dix-huit ans. C'est grâce à lui que j'ai pu progresser dans mon sport et monter les échelons, parce qu'il a décelé quelque chose en moi, et qu'il a su me guider pour m'améliorer sans cesse. C'est un ancien champion du monde de boxe et de boxe thaï, un maître reconnu du krav maga et une figure du monde des arts martiaux en général. L'un des meilleurs si on regarde son palmarès. Je sais, ça sonne bateau, le genre de trucs qu'on pourrait voir dans un film. Faut croire que j'ai eu de la chance d'être repéré par le plus grand.

Moi, c'est Ray. Raymond Lucius Ashford. Les arts martiaux mixtes, c'est toute ma vie. Enfin, une grosse partie de ma vie. J'ai commencé à quatorze ans, quand mes notes commençaient à chuter au collège. Ouais, ça aussi, c'est plutôt bateau. Et ce que je vais dire, encore plus. Les sports de combats, ça m'a permis de pas tomber dans la délinquance, de pas décrocher de l'école, de canaliser mon énergie et apprendre à contrôler mon corps. Ça a été un tournant dans ma vie, un gigantesque tournant.
J'ai commencé par la boxe, comme beaucoup d'occidentaux. Je dis beaucoup, mais en réalité, c'est plus vraiment le cas. Avec la montée en puissance du MMA, la surenchère du spectaculaire et la médiatisation de ces super-combattants, tout le monde se met à des sports bien plus impressionnants visuellement. Le muay thaï ou le jiu-jitsu par exemple. Les disciplines les plus extrêmes ont connu un essor titanesque, et de nouvelles ont vu le jour. Maintenant, si tu sais pas faire un coup de pied retourné ou un "standing shooting-star press", t'es un raté pour les fans d'arts martiaux et de sports combats.
La boxe, c'était un sport noble pour moi. Pas au début, bien sûr, c'était surtout un genre de repoussoir à emmerdes comme disait un de mes potes de l'époque. T'apprenais à envoyer des coups de poings, donc c'était un bon moyen pour pas se laisser emmerder par les racailles et les caïds du collège. Puis c'est vite devenu une passion, un genre de drogue...non, une addiction plutôt, parce que c'était pas malsain. J'avais tout à y gagner de m'entraîner tous les jours, de passer mes journées à chercher à m'améliorer. Ça a totalement changé ma mentalité. Je suis devenu un "vainqueur" comme dirait Arthur. Je cherchai l'excellence peu importe ce que je pouvais faire, même dans mes cours. Mon esprit de compétition est né grâce à ce sport. C'est pour ça que je suis autant attaché aux valeurs qu'il transporte, à vouloir être honorable dans le combat, à respecter mon adversaire quel qu'il soit, à toujours chercher à m'améliorer.
Évidemment, j'ai assez vite franchi le pas et essayé une autre discipline. Puis une autre par la suite. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que je me tourne vers les arts martiaux mixtes. Arthur m'avait déjà repéré à l'époque, il me suivait dans mon long périple depuis que j'avais remporté les championnats du monde junior de viet vo dao. Et c'est grâce à lui que je suis rentré dans ce monde si réputé du MMA.

Dès lors, un tout nouveau monde s'est ouvert à moi. La compétition était bien plus élevée, d'une, car la discipline était en pleine fulgurance et de nombreux tournois et championnats réputés existaient déjà. Mais surtout parce que les valeurs que transportait chacun des sports que j'avais pratiqué auparavant se retrouvaient mélangées dans un seul et même art. Du moins, c'est ce que je pensais au départ. Je voyais ça comme un gigantesque hybride de tout ce qui me plaisait dans la vie, mais le fait est que le sport était déjà gangréné de l'intérieur. Les médias s'en étaient emparé depuis des années et le transformaient petit à petit.
Si bien que quand l'ensemble des organismes du sport mondial se sont mis d'accord pour accepter le dopage des athlètes, je cite "afin de repousser les limites du corps humain et pousser le sport à son extrême", le MMA a atteint de nouveaux sommets. Voir un footballeur franchir les quarante-cinq kilomètres-heures tout en dribblant ses adversaires pour faire une passe à un de ses coéquipiers qui envoie un véritable boulet de canon en direction des cages, c'est quelque chose d'impressionnant, même après tant d'années. Mais être spectateur d'un combat entre deux véritables machines à tuer qui enchaînent les prises de soumissions létales et les frappes dévastatrices qui pourraient tuer un homme lambda sur le coup, c'est quelque chose d'exceptionnel. Ce qui l'est encore plus, c'est que ces types s'en foutent plein la gueule, se martyrisent jusqu'aux portes de la mort - parfois elles sont franchies, ce qui a amené les législateurs à ne plus pénaliser la mort accidentelle -, c'est quand ces gens sortent de l'arène tels des légumes, et remettent ça à peine une semaine plus tard, lors du prochain combat que c'est véritablement renversant. Une foire aux monstres, comme diraient les amerloques.

Vous allez me dire qu'un tel sport rentre en totale contradiction avec les valeurs que je prétends respecter. C'est vrai. D'une certaine manière, je hais ce sport. Mais c'est aussi la discipline sportive qui se trouve au sommet du monde, impossible pour un compétiteur comme moi de se résigner à pratiquer des sports "inférieurs". Je deviendrai fou rien qu'à l'idée que des types infiniment moins doués que moi soient idolâtrés comme des athlètes d'un autre monde tandis que je serai considéré comme un sportif de bas niveau, tout simplement parce que mon sport n'est pas aussi spectaculaire et ne vend pas aussi bien que le MMA. C'est pour ça que j'ai franchi le pas, c'est pour cette raison que j'ai écouté les douces paroles d'Arthur qui essayait nuit et jour de me convaincre de passer au niveau supérieur. Par fierté, par orgueil, par esprit de compétition. Parce que je suis un "vainqueur".

Et mes premiers pas dans ce nouveau monde ont été très agréables. Là où je ne rencontrais pas que du succès en taekwondo, en sambo ou en karaté, j'enchaînais les victoires dans les compétitions amateurs de MMA. J'ai remporté mes premières compétitions nationales haut la main, sans rencontrer de réelles difficultés. Arthur aime à dire que c'est parce que je suis né pour ça. Mais au fond, on sait tout les deux que c'est parce que, contrairement à la majorité de nouveaux venus dans ce monde qui s'est contentée d'effleurer la pléthore de disciplines différentes au sein des arts martiaux mixtes, j'ai perfectionné mon art dans de nombreux sports de combats à un niveau mondial. En soit, c'est comme si, dans un jeu vidéo, un joueur achète ses compétences grâce à une boutique "premium" sans réellement savoir les utiliser, tandis que moi, j'ai passé des mois à améliorer mon personnage et à peaufiner chacune de ses compétences. Cet exemple vient pas de moi, c'est ma cousine qui l'a utilisé dans une interview à mon sujet il y a quelques années, et, d'après elle, tout le monde a adoré sur les forums. Donc, Emily, c'est pour toi !
Bref, comme tout sportif qui se respecte, une fois que j'ai eu atteint les sommets de la compétition en amateur, je me suis tourné vers la catégorie professionnelle. Contrairement à ce qu'il pouvait y avoir auparavant, le MMA n'est plus représenté que par une seule compétition majeure. Tout le reste, c'est des petites ligues, pour ceux qui veulent vivre du sport et pas d'un travail sans saveur, ni épanouissement.
La MFL. Major Fighting League. Encore un truc bien bateau, ouais. Mais c'est le summum du summum, la compétition où tout se passe. Les dirigeants comptent parmi les plus fortunés au monde, bien loin devant les banquiers et les propriétaires immobiliers.
Arthur ne l'avouera jamais, mais il a préparé mon arrivée pour que j'apparaisse comme le futur prodige du MMA. Un véritable travail d'orfèvre. Mon combat d'exhibition s'est déroulé contre une figure monumentale de ce sport. Mais comme il l'a dit, c'était aussi et surtout un vétéran en fin de carrière. Ses prochains combats feront probablement partie de sa tournée d'adieux. L'époque où le nom de Tony Alvarez retentissait dans les plus grandes salles du monde est bien lointaine désormais. Et, encore une fois, c'était une époque bien plus simple et saine pour le sport. Les médias étaient déjà bien présents, c'est sûr, mais les valeurs des sports de combat étaient encore bien ancrées dans l'esprit des fans comme des néophytes. Le seul "dopage", c'étaient les compléments comme la protéine en poudre. Maintenant, tu prends un grand verre de produits artificiellement créé et tu prends du muscle en même pas une semaine. En un mois, t'as des résultats qu'un mec qui se contenterait de pousser la fonte atteindrait en un an ou plus. Une abomination. Ça peut pas être sain. Mais bon, comme les médias repoussent les limites continuellement, il faut bien s'adapter.
Mon deuxième combat était plus compliqué. Plus réel, j'ai envie de dire. Là où Alvarez était un genre de passage de bâton, Christopher Bryan, c'était pour me valider. Mon premier sang en quelque sorte. De quoi montrer aux spectateurs comme aux autres combattants que j'étais pas juste un frimeur avec assez de thunes pour se dégoter les meilleurs en équipe de prépa. Mais lui non plus n'était pas au niveau. Ça me fait mal de l'admettre, mais Arthur a raison quand il dit que Bryan et moi, on n'est pas du même acabit. On est clairement pas fait dans le même moule, c'est à peine si on fait partie du même monde. Et je sais que je parais  prétentieux, mais c'est ainsi que va le monde de nos jours. Si c'était pas le cas, je l'aurais pas mis K.O. dès le début du troisième round.

Tout ça pour dire que ma place actuelle dans la compétition, elle provient d'un long, mais pas si périlleux chemin que ça. Le plus dur reste à faire ceci dit. Dans trois mois, même pas deux semaines après Noël, j'affronte un des poids lourds de la MFL. Brock "Hammerhead" Nelson. Un Gallois d'un mètre quatre-vingt-seize de hauts et qui fait cent cinquante-trois kilos à la pesée. Un véritable monstre de la discipline, un assommeur comme on en fait plus. C'est aussi un véritable phénomène médiatique. Principalement grâce à son équipe, mais aussi parce qu'il a une véritable gueule, un personnage. Le crâne rasé sur les côtés, la nuque longue, des cheveux roux et, le point névralgique de la machine "Hammerhead", sa moustache. Une moustache qui vient tout droit des îles britanniques du vingtième siècle. Un vrai truc de badass quoi.
Je sonne un peu comme un fan, et c'est en partie le cas. Quand j'ai mis le pied dans le MMA, Brock Nelson chopait son tout premier titre mondial des poids lourds. Et désormais, c'est mon adversaire. Un adversaire qui a ouvertement recourt au CTO. Charondine de T...oh je sais même pas ce que ça veux dire. Encore un nom savant qui parle qu'aux scientifiques. Ce truc te dope tellement que t'en devient capable de pousser des semi-remorques à mains nues dès le premier mois d'utilisation quotidienne. Les haltérophiles ont franchi le cap de la tonne grâce à ça, alors qu'il y a même pas quinze ans, ils stagnaient en dessous des cinq cents kilos. Mais, ouais, ça peut pas être bon. Y a forcément un effet secondaire que personne a encore dévoilé. Un truc qui arrive à des athlètes qui prennent soudainement leur retraite pour blessure ou quelque chose comme ça.

"Hammerhead" est un monstre, un goliath moderne. Mais rien d'insurmontable pour moi. Il a clairement l'avantage physique sur moi, c'est indéniable. Il ne me met peut-être que trois centimètres en terme de hauteur, mais il le rattrape sans soucis à la pesée, par une vingtaine de kilos. Voilà la différence que lui offre sa dope. Ses muscles sont tellement développés qu'il est contraint de faire des exercices spéciaux pour garder sa souplesse. Ça ne l'empêche pas de sauter à plus de deux mètres du sol sans prendre d'élan et d'envoyer des coups de pied sautés comme un karateka.
Mais moi, j'ai l'avantage technique. Sans forcément être plus rapide que lui, je n'ai aucun doute sur ma capacité à esquiver ses coups, à bloquer ses prises et riposter en conséquence. Il fait partie de ceux qui ont commencé avec le MMA. Avec ses prédispositions génétiques, il a vite réussi à se faire une place, mais sa maîtrise n'est que partielle pour continuer dans le registre des trucs bateaux.
Et dope ou pas, quand tu pèses un quintal et demi et que tes muscles menacent d'exploser si tu les étires pas correctement chaque jour, j'ai le cardio pour moi aussi. Et tout le monde sait que c'est probablement le facteur le plus important lorsqu'on parle de sport de combat. J'ai juste à éviter de me prendre son "coup de marteau", un crochet du gauche, de plein fouet, et il est à moi. J'en suis certain.

_______________
Trois mois plus tard...
_______________

C'est un truc de fou ! Digne d'un putain de film, tellement c'est hallucinant. La salle du MGM est fantastique à nu, mais quand t'as des milliers de personnes qui attendent plus que le clou du spectacle, le "main event", et qui hurle ton nom comme celui de ton adversaire, c'est une putain de sensation. Pas besoin de sauter à plusieurs kilomètres au-dessus du sol ou escalader le Mont Blanc, on fait pas mieux !
Mes deux précédents combats n'avaient strictement rien à voir de ce côté-là. Ouais, c'était retransmis au niveau national et international, comme tous les matchs de la MFL, mais l'ambiance, le public, c'était rien comparé à aujourd'hui. Si je savais pas me contrôler, j'aurais une trique énorme rien qu'en étant dans mon vestiaire à entendre la musique se faire étouffer par les hurlements de la foule. Alors c'est ça le haut du panier du MMA ? Avant même d'avoir enfilé ton short ou tes gants, tu prends une surcharge d'adrénaline. Toute la pression qui pesait sur mes épaules ces dernières semaines est redescendue d'un coup, et l'excitation a aussitôt pris la place.

Mais très vite, toute cette ambiance devient secondaire. Mon esprit l'occulte comme à l'accoutumée. Je me focalise sur une seule et unique chose : mon combat. La musique, les cris, les mecs en costard-cravate qui hurlent comme des animaux, les femmes en robe de soirée qui me dégustent du regard. Tout ça, mes yeux le voient, mais mon esprit le balaye. L'excitation d'entendre « Ray "Prodigy" Ashford » retentir dans la salle toute entière est transformée en énergie. Le stress d'affronter une légende vivante et un tueur tel que Nelson se traduit en énergie. Chacun de mes pas vers l'octogone qui ressent la vibration de la musique, des cris, du mouvement, se transforme en énergie. La même énergie qui m'habite lors de chacun de mes combats, qui me permet de bouger et de combattre.
"Hammerhead" arrive. Il est gigantesque même si peu nous séparent. Un véritable titan. Mais je n'ai pas peur. Je le regarde droit dans les yeux, et on sait l'un comme l'autre qu'on est prêt. Les sports de combats ont peut-être perdu beaucoup de leurs valeurs, mais apprécier la valeur de son adversaire avant de l'affronter, ça, ça n'a pas changé.

C'est un champion, un vétéran du ring, alors il me prend quelque peu de haut. Il me laisse avoir le premier coup, prendre l'ascendant pour pouvoir me jauger. Digne d'un showman comme Brock Nelson, digne d'un conquérant qui sait qu'il peut retourner un combat avec un seul coup de poing. Mais son crochet ne me touchera pas, je l'ai analysé de fond en comble, j'ai vu des centaines de ses combats. Je suis prêt pour l'affronter !

La foule, les spectateurs, les parieurs, les dirigeants. Personne ne s'attend à ce que je vaincs un tel monument de la MFL. Même Arthur sait bel et bien que ce combat ne sera pas le mien, que je ne remporterai pas une victoire face à Brock "Hammerhead" Nelson. Pas aujourd'hui. Et la raison est simple : j'ai refusé de prendre du CTO. A leurs yeux à tous, même à ceux de mon opposant, je n'ai aucune chance parce que j'ai décidé de rester "naturel". Parce que je m'oppose à de telles pratiques, je ne fais pas partie du même monde que ces monstres du haut du panier. Et c'est vrai, on n'est pas dans la même catégorie, pas taillé dans le même moule. Eux, sont destinés à de grandes choses, à gagner des titres, des championnats, à briller aux yeux de tous. Ce sont des champions nés.
Mais moi, je suis bien au-delà de ça. Le sport de combat, c'est toute ma vie. J'ai passé tant d'années à perfectionner mon art, à ingérer chacun des mouvements, des prises, des tactiques pour me les approprier et les intégrer à mon corps tout entier. Si eux sont des requins ou des lions, alors je suis un putain de dinosaure. Un prédateur au sommet de la chaîne alimentaire. Un combattant comme on en fait plus. Ils peuvent soulever deux voire trois plus de poids que moi, sauter des hauteurs que je n'atteindrai probablement jamais, faire plier une plaque de métal avec leurs poings. Mais moi, je peux les vaincre, je peux rivaliser avec leurs corps de monstres dopés et les vaincre.

"Hammerhead" veut me jauger ? Alors je lui donne ce qu'il veut. Je sais que je peux l'avoir sur le cardio, le premier round me servira à lui infliger le plus de dégâts possibles pendant qu'il ne me prend pas encore trop au sérieux. Et ça porte ses fruits. Au bout des trois minutes réglementaires, il a pris tellement de coup qu'il est déjà essoufflé, sans avoir réellement pris l'offensive à aucun moment. Ouais, je respire fort moi aussi, mais j'ai clairement pris l'ascendant. Se défendre est bien plus éreintant que d'attaquer, pour la simple et bonne raison que l'on ne contrôle pas le rythme, on a aucune emprise sur comment se déroule le combat. Il le sait très bien, je le vois dans son regard. Le prochain round, c'est lui qui va attaquer dès le départ.

Dès que la cloche retentit, je l'attends de pied ferme. Je sais qu'il va tenter quelque chose d'entrée de jeu. Peut-être son crochet du gauche, histoire de me terminer alors que je m'y attends pas. Mais je me suis préparé à tout. J'ai analysé son style et j'ai en tête les entrées de round auxquelles il peut avoir recours. Je suis prêt à esquiver, bloquer ou dévier le moindre de ses coups.
Mais il n'attaque pas. Il se contente de monter sa garde et tourner autour de moi. Il lance une feinte de temps à autre, mais ça s'arrête là. Une tentative de prise à un moment, une soudaine charge à un autre. Puis, arrivé à la moitié du round, il passe enfin à l'action. Sa masse énorme se propulse en avant et vient planter son genou dans mes avant-bras. Quand il retombe, j'ai à peine le temps de me remettre de son coup qu'il me balance un uppercut du droit. Je bloque le coup avec un peu de peine, principalement à cause de la violence de son coup de genou sauté, mais je tiens bon.
Il enchaîne quelques coups de poings, vient me piquer aux jambes avec deux ou trois coups de pieds bas, mais j'encaisse. J'attends le bon moment. Et il vient assez rapidement, à quelque dix secondes de la fin du round. Il arme son poing pour un direct du gauche, un truc que j'ai vu des dizaines de fois sur les vidéos de ses combats. Il va frapper directement dans un de mes bras, avec toute la force dont il est capable. Généralement, les combattants sont surpris par la vitesse et n'ont pas le temps d'esquiver, et le coup vient les chercher directement dans le torse voire le bas de la tête. Ceux qui, au contraire, tentent d'encaisser le coup de plein fouet, se retrouvent dans une posture désagréable, car il enchaîne aussitôt avec un uppercut dans les côtes.  
Encore une fois, j'ai analysé son jeu. Je sais à quoi m'attendre, et il est bien trop sûr de lui pour se douter que je puisse contrer son assaut. Le coup vient, à une vitesse vertigineuse, et passe à quelques centimètres de ma tempe gauche. Son uppercut arrive aussitôt, comme s'il l'avait déjà préparé en armant son bras gauche. Je le balaye d'un revers de la main et prépare ma contre-attaque dans la seconde. Il a voulu me fracasser le visage avec un coup de genou, on va voir ce qu'il pense du mien.
Mon articulation vient le frapper en plein dans le menton. Un coup parfait, qui l'envoie tituber quelques pas plus loin. Il ne reste que cinq secondes, de quoi me laisser lui infliger quelques coups décisifs pendant qu'il est sonné. Je creuse la distance aussi rapidement que possible, et le pique d'un coup de pied direct dans les côtes, son flanc droit étant complètement ouvert. Il titube encore et tombe sur son genou droit. La salle entière retient sa respiration. Nos deux équipes sont bouches-bée. Je peux l'avoir !
Je me focalise sur sa tête et prends de l'élan. De ma jambe droite, je me propulse légèrement dans les airs et arme mon bras droit. En plein air, ma jambe gauche me sert de balancier alors que je propulse mon poing droit en direction de la tête de Nelson. Un superman punch. A pleine puissance vu le temps de préparation et la position de mon adversaire. Le coup le frappe en plein dans sa pommette gauche. Et il tombe sur le cul.
Il est à moi ! Je peux le terminer, il est sans défense ! Je me précipite dans sa direction au moment où mes pieds touchent le sol. Je prépare un nouveau coup de genou, sans sauter cette fois. Je vois déjà le coup. Son visage rencontrant mon articulation une nouvelle fois alors que je me lance comme un animal. Mais l'arbitre s'interpose aussitôt et me bloque alors que la cloche sonne.

De retour dans mon coin, Arthur me félicite pour ce que je viens de faire. Il a les yeux qui brillent tellement il est content. Mais ce n'est pas terminé. C'est encore loin d'être terminé. Brock est une machine. Ces dernières secondes lui auront coûté cher, mais il n'est pas fini. Il va probablement tenter de me faire tomber dès les premiers instants, comme il fait à chaque fois qu'il perd un round. Je ne peux pas me permettre d'être trop confiant, de penser que le match est mien. Non, je dois rester concentré et reprendre au même point où j'en étais. Je dois créer une nouvelle occasion, me mettre dans les bonnes conditions pour lui infliger un nouvel enchaînement dévastateur. Il ne tombera pas facilement, et j'aurais probablement besoin d'un quatrième voire d'un cinquième round, mais si je reste concentré et que j'applique ma tactique sans dévier, sans me laisser emporter, alors je peux le vaincre. Je peux tous leur montrer que je suis d'un tout autre monde que lui et les autres monstres. S'ils sont inhumains, alors je deviendrai divin.

Comme je m'en doutai, sa riposte se fait sentir dès le début du round. Il creuse la distance et enchaîne les frappes. Il cherche à me fatiguer, à m'installer dans une sorte de routine où je bloque et esquive des frappes banales, pour ensuite me surprendre avec un gros coup. Probablement pas son "coup de marteau", il le garde pour définitivement me terminer. Il ne l'utilisera peut-être même pas, purement par orgueil. Et là est son erreur. Il s'ampute lui-même d'un de ses atouts majeurs, de sa carte maîtresse.
Je passe les trente premières secondes à encaisser du mieux que je peux. J'ai parlé de frappes banales, mais c'est bien plus que ça. Chaque coup me fait incroyablement souffrir, même si je le bloque. Il exécute exactement la même tactique que j'ai utilisé au premier round, il mène la danse. Mais, à nouveau, j'attends juste le bon moment pour riposter. L'ouverture parfaite pour le mettre une nouvelle fois en mauvaise position.
Une minute. Une minute et quarante-sept secondes. Le temps est incroyablement long. C'est comme si tout se passait au ralenti autour de nous, alors que la rapidité des coups de Nelson est amplifiée par dix. J'ai l'impression de subir dix, vingt frappes par seconde. Mais je ne flanche pas. J'esquive les coups que je peux, pour retrouver mon souffle et créer un peu de distance entre nous. Ce round est clairement le sien pour le moment, mais il n'est pas encore terminé. Il me reste une petite minute pour lui infliger une contre-attaque semblable au round précédent. Et, inscrit dans une telle phase dominante, son esprit focalisé sur l'offensive, il ne s'attendra pas à ce que je tente quelque chose d'aussi dangereux.

En lisant dans son regard, et grâce à une baisse de régime de fin de round, j'arrive à déceler où son prochain coup va frapper. Un direct du gauche à hauteur d'épaule, aussitôt suivit d'un coup pour me faire perdre mes appuis. J'encaisse le direct de plein fouet. Son intensité est plus grande que ce que j'aurai pensé, mais je parviens à le prendre sans trop de dégâts. Je prépare mon genou pour bloquer son coup de pied...mais il ne vient jamais.
Au lieu de ça, Brock Nelson me balance un uppercut à la vitesse du son et me fracasse le menton. Mes dents claquent, du sang coule dans ma bouche, ma vue se trouble l'espace d'un instant. Quand je reprends mes esprits, je le vois armer son poing gauche. Le "coup de marteau" ? Il l'utilise finalement ? Surpris, et quelque peu déboussolé, je fixe mes appuis et expire intensément. Je fais le vide dans mon esprit. Si je peux esquiver son coup, j'aurai ma possibilité de contre-attaque. Sa garde sera ouverte et il sera à ma merci.
Je l'attends, les yeux fixés dans son regard. Digne d'une scène de film ou de jeu vidéo, digne d'un David contre Goliath, mon corps tout entier est prêt à se mouvoir vers la gauche pour que son coup m'effleure et que je sois en parfaite position pour le mettre à mal une seconde fois.
Il arrive. Le "coup de marteau" arrive à une vitesse affolante, comme une roquette propulsé à plusieurs centaines de kilomètres par heures. Une comète à échelle réduite. L'air se densifie autour de son poing, de son bras. Le temps est ralenti, compressé à son maximum. Pendant un moment, je peux voir les gouttelettes de sueur voler tout autour de son corps, des pans de sa peau se tordre à cause de la puissance du coup, son regard me fixer droit dans les yeux et...et son sourire. Un sourire carnassier. Un sourire de prédateur ultime.

Mon corps bouge, mes jambes me propulsent sur la gauche, mon buste se contracte pour me donner le plus de réactivité possible. Mes bras sont déjà prêts à envoyer mon prochain assaut. Mais la distance n'est pas bonne. La rapidité n'est pas bonne. Je me trouve en plein dans la trajectoire du coup. Le poing gauche de Brock "Hammerhead" Nelson frappe...

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Une prodige au destin tragique...
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Il y a trois jours, s'est déroulé l'un des combats les plus anticipés de ces dernières années. L'affiche de la MFL était on ne peut plus prometteuse. Un combat principal forgé par les dieux du MMA eux-mêmes. La légende, le trois fois champion poids-lourd, Brock "Hammerhead" Nelson face au rookie, le nouveau venu au palmarès impressionnant, Ray "Prodigy" Ashford. Médias comme organisateurs de paris voyaient déjà les millions encaissés avant même que le lieu du combat n'ait été dévoilé. Le MGM de Las Vegas a même entreprit de rapide travaux pour permettre à quelques milliers de personnes en plus d'assister à ce choc des titans. Hélas, le combat a connu une fin désastreuse.
Raymond Lucius Ashford, alias Ray Ashford, était connu pour sa technique sans pareil et sa lucidité à toute épreuve. Beaucoup voyaient en lui une future légende de la discipline, au même rang que son adversaire. Entraîné par la légende Arthur McDowell, son entrée dans le monde professionnel du MMA avait eut l'effet d'un tremblement de terre dans le monde entier. De là provenait d'ailleurs son surnom de "Prodigy", grâce à son passé glorieux dans de nombreux sports de combat.
Malgré toutes ces caractéristiques prometteuses, les experts ne voyaient pas Ray Ashford gagner ce combat. Au mieux, certains prévoyaient une victoire technique de la part de Nelson, ce qui aurait placé Ashford comme l'un des rares à résister au monstre "Hammerhead". Mais personne ne le voyait remporté ce combat. Beaucoup pensent que ce jugement provient principalement de la décision d'Ashford de ne pas recourir à des produits d'augmentation physique comme la CTO, et on ne pourrait leur donner tort.
Les deux premiers rounds du combat ont fait mentir les critiques. Ashford a montré qu'il était bel et bien capable de rivaliser avec un monstre comme Brock Nelson. Grâce à sa technique et une analyse du jeu de son adversaire, le jeune prodige a réussi à infliger des enchaînements époustouflants au vétéran. Si bien qu'au début du troisième round, beaucoup ont pensé que le rookie pouvait finalement gagner.
Mais la réalité a bien vite rattrapé tout le monde, spectateurs comme équipe sportive. Au terme d'un enchaînement pour le moins banal, le dévastateur "coup de marteau" de Nelson a fait son entrée. Connu pour son efficacité sans faille et son potentiel destructeur, c'est vite devenu l'un des coups à éviter pour ses adversaires. Et, l'espace d'un instant, nombreux ont été ceux qui ont pensé Ashford capable d'esquiver cette frappe d'un autre monde.
Erreur de jugement ou faille dans son système nerveux ? Ashford s'est retrouvé en plein dans la trajectoire du crochet de Nelson, qui est venu le frapper à la jointure entre la tête et le cou. Un coup quasi-létal à une position vitale du corps humain. Le mélange ne pouvait être que désastreux.
Brock Nelson et son équipe ont annoncé qu'ils paieraient pour les funérailles du jeune prodige.

Ce combat relance un débat sulfureux qui ne semble pas vouloir connaître de fin. Faut-il continuer à repousser les limites des sports de combat ? L'usage de produits dopants est-elle véritablement un bon moyen de parvenir à cette fin ? Et la non-sanction des morts accidentelles au sein de la MFL a-t-elle encore lieu d'être ?

Ada Price

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Ulrich Wahlberg

Ulrich Wahlberg



Personnage
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Talent: Indéfini

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MessageSujet: Re: Écriture libre    Écriture libre  Icon_minitimeVen 22 Nov - 23:54

Réunion de famille

— En plein dedans !

La tige en métal était bien passée à travers l’anneau, mon oncle venait certainement de marquer les points décisifs qui lui permettraient de remporter cette partie pleine de rebondissements. S’il avait effectué un départ plutôt moyen, il faut dire qu’il s’était rapidement rattrapé durant la deuxième manche avec les balles en mousse, et a su distancer ses adversaires grâce à cette troisième et dernière manche.

— Cette fois-ci les loosers, s’étouffa-t-il dans un rire gras, je pense qu’on connaît définitivement le vainqueur !

C’était tout lui, bien qu’il ne s’agissait que d’un jeu familial, il ne pouvait s’empêcher de provoquer ses adversaires, trop content de sa quasi-victoire — quand bien même la moitié de ses concurrents n’étaient encore que des enfants. Il faut dire qu’il était particulièrement fort sur cette dernière manche, son lancer de tige s’était perfectionné avec les années d’entraînement, il ne loupait aucune partie, à chaque réunion. Je le soupçonne même de s’entraîner en cachette chez lui pour ne pas perdre la main. Alors un cousin dont je ne connais même plus le nom lança la tige à son tour, et réalisa un coup de maître. Celle-ci se faufila à travers le plus petit anneau, le doré, celui que personne n’avait encore réussis à viser. Mon oncle resta bouche-bée face à cet exploit, qui permit au lanceur de lui voler la victoire malgré l’écart de points qu’il y avait entre eux. Les exclamations et les rires moqueurs fusèrent tout autour. Un sourire fier se dessina sur le visage joufflu de mon cousin tandis que celui de mon oncle se décomposait, comme s’il venait de perdre la partie la plus importante de sa vie.
Je ne pus m’empêcher de contenir un léger rire face à cette scène frôlant le ridicule. Cette partie aura été amusante au final.

— Mon chéri, s’écria une voix au loin, n’oublie pas de prendre ton déjeuner !

C’était ma mère, heureusement qu’elle me rappelait de manger, j’oubliais trop souvent et ne m’en rendait compte que trop tardivement. J’approchai de la terrasse et m’assis à une table sur laquelle étaient disposés de nombreux gobelets en carton recyclé. Je me servis de l’eau dans l’un d’entre eux, et attrapa le petit tube opaque qui se trouvait dans la poche droite de ma veste. J’ouvris le capuchon d’un simple mouvement du pouce et versai le contenu dans ma main gauche. Cinq gélules en tombèrent, aux tailles variées et aux couleurs diverses. J’engouffrai les pilules dans ma bouche, prenant une grande gorgée d’eau pour les faire glisser jusqu’à mon estomac. « Aaah » soupirai-je sans m’en rendre compte en reposant le gobelet sur la table.
Autour de moi, l’on entendait que le brouhaha des dizaines d’invités tous entassés dans ce minuscule jardin. Tous voulaient profiter des premières chaleurs de l’année.

— Ça y est, marmonna une voix tremblante dans mon dos, tu as fini ton déjeuner ?

Je me retournai, interloqué, et je vis mon arrière-grand-père, dans son fauteuil roulant. Il n’était pas si mal conservé pour son âge, il fêterait dans quelques mois ses cent vingt-et-un ans. Même si l’espérance de vie n’avait fait que grimper depuis des décennies, c’était un âge que peu de personnes avaient connu. Si on ne tenait pas compte de ses jambes qui lui ont fait défauts, il se portait plutôt bien. J’affichais un sourire non-dissimulé suite à son intervention, car je savais déjà dans quelle direction cette discussion allait être menée.

— Oui pépé, je suis opérationnel pour les vingt-quatre heures à venir !

Il grogna, s’avançant péniblement jusqu’à moi.

— C’est plus ce que c’était les réunions de famille… grommela-t-il.
— La nourriture ? lançai-je, l’envisageant d’un regard amusé.
— Oui. Rien de mieux qu’un bon rôti qu’on se partage tous ensemble autour d’une grande tablée ! Ça c’était le bon temps, quand mon père découpait d’un air fier la bonne pièce de viande que ma mère avait fait mijoté dans un bouillon de légumes pendant des heures. Accompagné de bonnes pâtes fraîches aux œufs, y avait rien de meilleur !

Il marqua une courte pause, fermant les yeux pour se remémorer les souvenirs d’un autre temps.

— Quand elle ouvrait la porte, et que les premiers effluves du plat pénétraient dans la pièce, cela faisait saliver tous les invités. Alors quand elle ouvre le couvercle de la marmite encore brûlante, laissant s’échapper la vapeur, permettant à tous d’humer cette odeur alléchante, tout en écoutant crépiter la sauce bouillante. Puis elle laissait à chacun l’occasion d’observer cette merveille, ce chef d’œuvre, ce plat préparé avec l’amour et le savoir-faire d’une mère attentionnée. Et encore, je ne t’ai raconté que l’introduction à l’explosion des saveurs, au feu d’artifice qui fait frétiller tes papilles ! Le prologue d’un roman aux milles et uns rebondissements, l’introduction d’une chanson de rock and roll comme on en fait plus, les préliminaires d’une partie de jambes en l’air à t’en faire hurler de plaisir.

Je ne pus m’empêcher de rire, fasciné par son engouement. Il me lâcha alors un regard douteux, haussant son sourcil droit ébouriffé.

— Ça te fait rire petit, mais ce dont je te parle là c’est une merveille que ce monde a laissé tomber dans l’oubli au fil des ans. Je te parle d’une extase comme t’en connaîtra jamais, d’un plaisir insoupçonné que ton corps ne fait que réclamer depuis des années. Mais au lieu de ça, tu le gaves de ces foutues pilules. Ce que je donnerai pour pouvoir une nouvelle fois manger un véritable repas, t’as pas idée…
— Un véritable repas, répondis-je en m’affalant sur ma chaise, faudrait économiser cinq bonnes années avant de pouvoir s’offrir ça. A quand ça remonte ton dernier repas pépé ?
— C’est ça le plus triste, je ne m’en rappelle même pas. Cela devait être vers mes vingt-cinq ans, j’ai dû me goinfrer sans me rendre compte que je ne mangerai plus jamais de la sorte pendant les cent prochaines années. J’ai eu l’occasion de manger d’autres choses entre-temps, mais les prix ont rapidement flambé sans que je ne m’en rende compte, et très vite cela devenait trop onéreux même pour une simple pomme. Et puis finalement, à l’époque cela ne m’importait pas tant… Bon, je t’ai assez embêté avec mes vieilles histoires petit, retourne t’amuser avec les autres.




Pensées nocturnes

Finalement, cette énième discussion avec mon arrière-grand-père me faisait réfléchir. Me retournant à droite puis à gauche dans mon lit, tentant de trouver le sommeil, cette idée ne cessait de me trotter dans la tête. Depuis toujours ou presque, j’étais conscient que les coutumes concernant la nourriture avaient évoluées, mais c’était la première fois que je me demandais réellement quel goût pouvait avoir… le goût ? Progressivement, les compléments alimentaires se sont imposés dans notre société, sans que les personnes concernées n’y prêtent attention. Ils ont commencé à réellement s’immiscer dans notre quotidien avec l’essor des produits dopant nouvellement autorisés dans les compétitions sportives. Couplés au dopage, ces compléments offraient les nutriments idéaux aux sportifs de haut niveau, ils n’avaient plus à se soucier de la quantité et la qualité de la nourriture qu’ils ingurgitaient. Les médecins leur prescrivaient des compléments adaptés à leurs conditions, et ils n’avaient plus qu’à les ingérer deux à trois fois par jour.

Très vite, ces compléments se sont répandus dans la société. Fini l’éternel problème de devoir se faire à manger en rentrant du travail le soir, fini de devoir engouffrer son sandwich le midi pendant la courte demi-heure de pause déjeuner. Ces compléments ont permis aux hommes et aux femmes d’être de meilleures versions d’eux-mêmes, elles apportaient tous les besoins énergétiques que chacun avait besoin. Ils permettaient de ne plus perdre de temps à déjeuner, pour pouvoir mieux se concentrer sur le travail. Car oui, il fallait travailler toujours plus. Encore et toujours, toujours et encore plus. Durant cette période, la loi sur la quantité limite des heures supplémentaires s’est peu à peu assouplie, jusqu’à ne plus exister du tout. Les journées s’allongèrent, tout comme les semaines. La population avait tellement crû ces dernières décennies, pour un seul poste, des dizaines de personnes au profils identiques se présentaient. Alors il n’y avait pas d’autres solutions, pour se démarquer, il fallait montrer que l’on était capable de travailler plus que les autres.

Tout ceci est l’une des raisons pour lesquelles l’alimentation est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, mais pas la seule. La surpopulation a joué un rôle majeur dans tout ceci. Les sociétés n’ont jamais réellement réussi à nourrir tous ses habitants à leur faim, mais lorsque la barre des quinze milliards de personnes avait été franchie, la situation était plus que critique. C’est durant cette période que la science et ses composés chimiques salvateurs ont trouvé la solution. Les compléments alimentaires, bien que moins efficace à l’époque, a permis à tous les pays de subvenir aux besoins nutritifs des moins riches pour un moindre coût.
La valeur marchande de ces cachets était ridicule comparé au prix des bonnes pièces de viandes. Mais ça n’était pas tout, la production de ces compléments ne demandait que très peu d’espace, un espace minime comparé aux hectares de céréales nécessaires pour nourrir les bêtes qui remplissaient nos assiettes. A mesure que ces pilules se démocratisaient, la demande en nourriture diminuait. Les élevages intensifs fermaient peu à peu, les larges champs de céréales cédaient peu à peu leurs places à des habitations.
Ces conséquences ont été largement applaudies par les défenseurs de la cause animale : plus que jamais, l’humain pouvait se passer de produits animaux. Parallèlement, les terrains nouvellement habités venaient répondre aux autres problèmes sociétaux concernant la surpopulation.

Si les compléments alimentaires n’étaient à la base que la nourriture des plus démunies, le peuple à lentement évolué vers ce mode de vie pratique. A mesure que les élevages et les champs disparaissaient de notre environnement, la valeur des produits qui en provenaient grimpait dû à leur rareté croissante.
Mes parents ont fait parties de ceux qui se sont démenés pour sortir du lot, pour pouvoir prétendre à des postes dits supérieurs. Je leur en suis reconnaissant, leur travail acharné m’a permis de grandir sous la lumière du Soleil, éloigné de ces villes sous-terraines tristement oubliées par le gouvernement. Cependant, ils n’avaient pu se permettre de faire connaître à leur enfant les plaisirs gustatifs d’un repas réel. A vrai dire, je ne crois pas qu’ils n’aient connu un seul véritable repas de leur côté non plus.

Bien que mon arrière-grand-père m’ait entretenu à ce sujet à maintes et maintes reprises, la tristesse qui pouvait se lire dans ses yeux cette fois-ci avait éveillé en moi une certaine curiosité. Si je ne me trompe pas, son cent vingt-deuxième anniversaire approche, et j’ai quelques économies de côté.




Joyeux anniversaire

Sept cents nouveaux euros ! Pour une seule pomme ! Je ne pouvais certainement pas me permettre de mettre presque deux mois de salaire dans une pomme, aussi bonne puisse-t-elle être. Il avait fallu que je trouve une autre solution je tenais sincèrement à offrir de quoi manger à mon vieil arrière-grand père. Le trafic de nourriture, cela m’avait semblé être la meilleure option. Des denrées alimentaires produites de façon non-conventionnelles, produite et acheminée jusqu’au consommateur via un réseau illicite. Pour autant, ce trafic échappait aux taxes ridiculement exorbitantes, et proposait des produits de moins bonne qualité pour un coût moindre. Ce marché noir était beaucoup plus répandu dans les villes sous-terraines, négligées par l’état, qu’à la surface. Une amie à moi ayant vécu dans ces quartiers durant de nombreuses années m’avait accompagné jusqu’à l’un de ces dealers d’une nouvelle ère.
Pour seulement cents nouveaux euros, je pu m’offrir la pomme tant recherchée. Bien d’autres produits m’avaient été proposés, mais ma bourse était trop maigre pour pouvoir me le permettre.  

Heureux de ma nouvelle acquisition, je l’ai conservé avec précaution jusqu’au jour tant attendu. Et ce jour arriva. Cette journée qui marquait le début du cent vingt-et-unième été de mon arrière-grand-père. Evidemment, aucune fête n’avait été organisé pour souhaiter l’anniversaire d’un vieil homme grincheux, qui en plus tombait un jour en pleine semaine. Partant quelques heures plus tôt de mon travail, j’arrivai en début de soirée devant l’appartement de mon aïeul. Un sourire tremblant s’afficha sur son visage lorsqu’il vit son arrière-petit-fils se tenir sur le pas de sa porte. D’une main, il pivota son fauteuil roulant et m’invita à entrer d’une voix chaleureuse.  
Je m’assis sur ce vieux canapé que j’avais toujours connu, et il vint se positionner près de moi.

— Joyeux anniversaire, soufflai-je d’un ton simple, tout en tendant le fruit, éclatant d’un rouge écarlate.

Le souffle de mon arrière-grand-père se fit lourd, sa gorge se noua et il fut emplit d’une émotion qu’il n’avait plus connu depuis bien longtemps. Trop longtemps. Une larme perla sur son œil droit, et vint rouler jusqu’au creux de sa lèvre, suivant les lignes toute tracées de ses rides creusant son visage. Il prit une longue inspiration, et attrapa la pomme d’une main tremblante, tandis qu’un sourire sincère illumina son visage sombre. Il examina le fruit de longues secondes, sans piper mot, le fit rouler dans ses mains pour pouvoir l’envisager sous tous ces angles. Il expira longuement, et sécha ses yeux humides, avant de me tendre de nouveau le présent que je lui avais offert.

— Tiens mon petit, prends-la.

Perplexe, quoiqu’émut par la situation, je saisis le fruit le regard emplit de questions.

— Malgré toutes ces années, reprit-il, j’ai eu le plaisir de manger comme il se doit durant deux décennies. Ta seule présence représente déjà pour moi le plus beau des cadeaux. Mais ce que je souhaite encore plus ardemment, ce serait que tu goûtes pour la première fois aux véritables sensations gustatives. Fais-moi plaisir gamin, et croque dans cette pomme !

Que je croque dans cette pomme ? Je ne m’attendais pas à ça. A vrai dire, même si sa tirade avait réussi à éveiller une certaine curiosité chez moi, je souhaitai surtout lui faire ce cadeau, je n’avais pas même envisagé de prendre une autre pomme pour ma propre utilisation. J’inspectai le fruit, le tournai dans tous les sens. Par où commencer ? Je me rendais compte désormais que je n’avais jamais croquer dans quoique ce soit de toute ma vie. Un geste qui devrait être naturel chez les êtres vivants était quelque chose de nouveau pour moi. J’approchai la pomme et ouvrai la bouche, hésitant, puis fis marche arrière dans l’idée de trouver un meilleur angle d’attaque. Plusieurs dizaines de secondes s’écoulèrent, alors que mes yeux se plongèrent dans le pouvoir hypnotique de cette pomme que je faisais tournoyer.

— Vas-y bon sang ! s’écria mon arrière-grand-père qui perdait patience et me tira par surprise de mes profonds songes. Fous-moi ça dans ta bouche et croques-y à pleine dents !

Sans réfléchir, et d’un geste, j’enfournai la pomme entre mes incisives et effectuai une pression avec celles-ci. Je sentis le morceau du fruit se détacher du reste, alors que le jus fut projeté sur ma langue.


Une étincelle.

Une explosion.


Un sentiment indescriptible envahit toute mon âme, emplissait chaque parcelle de mon corps. Un plaisir incommensurable jaillit dans tout mon être, alors que cette sensation jouissive déflagrait dans ma bouche. Instinctivement, j’accompagnais le mouvement en écrasant le morceau de pomme entre mes molaires, amplifiant ce sentiment d’orgasme gustatif dont je me délectai. La purée de pomme glissa dans mon œsophage et je senti cette saveur se propager encore plus intensément. Je failli vaciller, manquant de m’étaler sur le canapé, comme si mon corps s’était entièrement relâché suite à cet instant voluptueux.
Lorsque je repris mes esprits, je me rendis compte que j’avais fermé les yeux instinctivement pour profiter de ces quelques secondes d’une lasciveté déconcertante. J’en étais presque gêné d’apparaître aussi impacté face à mon arrière-grand-père.

Celui-ci arborait un sourire fier, et d’autres larmes coulaient sur ses joues. Il semblait heureux, simplement heureux qui je puisse enfin découvrir le plaisir de goûter.

— Ca n’est là que les prémices d’un monde dont tu n’imagines même pas l’envergure petit, j’espère que tu auras l’occasion de t’aventurer vers d’autres contrées gustatives !

Le regard émerveillé, affichant un sourire des plus enfantins, je m’empressais de croquer une nouvelle fois dans ce fruit du désir.
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